Bert Patenaude la gâchette du Massachusetts

L’une des stars de cette première Coupe du monde était américain. Il s’agissait de l’attaquant Bert Patenaude qui a marqué l’histoire du Mondial de son empreinte Retour sur la carrière de l’ancien canonnier de la sélection américaine qui va connaître une carrière pour le moins mouvementée.

C’est l’histoire de Joseph Bertrand « Bert » Arthur Patenaude, né dans le Massachusetts à Fall River, le 4 novembre 1909. La futur légende des Stars and Stripes – surnom de la sélection américaine – va découvrir le football  – ou « soccer » – dès son plus jeune âge. Il deviendra une légende du football américain, devenant un héros national en menant à bout de bras les États-Unis à la Coupe du monde 1930. L’attaquant n’avait encore que 20 ans quand il posa les pieds à Montevideo, mais ça jeunesse ne l’empêchera pas d’écrire sa légende, bien au contraire.

Alors qu’il n’était qu’un jeune garçon, Bertrand travaillait comme livreur pour une épicerie locale, un métier qui lui permettait d’exercer ses jambes, puisqu’il faisait les livraisons à coup de pédale sur son vélo. Un jour, alors qu’il devait effectuer une livraison, il s’arrêta en route pour participer à un match de football improvisé avec d’autres garçons du coin. Le jeune « Bert » est pris alors par la passion du ballon rond, une passion qui lui coûtera son emploi de livreur, mais c’est sans importance car Bert Patenaude s’apprête à marquer l’histoire de son sport.

Décidé à embrasser une carrière de footballeur, il se fera vite remarquer, son talent indéniable balle au pied lui permettra de signer son premier contrat pro en 1928 avec le Philadelphia FC. Le club de Pennsylvanie évoluait alors en American Soccer League (ASL). Du haut de ses 1m86 et de ses 83kg, le puissant attaquant inscrira six buts au cours de ses huit premières apparitions, mais ses prestations seront insuffisantes aux yeux de ses dirigeants, qui n’hésiteront pas à le transférer la même année au Pawtucket Rangers, avant de finir la saison au bercail au Fall River Marksmen FC. Dans sa ville natale, Patenaude deviendra très vite une icône. L’attaquant s’attirera la sympathie du public, alors que les buts s’enchaîneront assez rapidement, il deviendra une gâchette offensive redoutable avec les marksmen. Sa deuxième saison sous le maillot de Fall River sera sa plus aboutie, à seulement 19 ans, il marquera 25 buts en 21 matchs. En trois saisons sous les couleurs de Fall River, Bert inscrira un total impressionnant de 112 buts en 114 rencontres, des statistiques époustouflantes qui lui permettront de remporter trois titres nationaux (American Soccer League) d’affilée entre 1928 et 1931, ainsi que deux National Challlenge Cup – l’ancêtre de la coupe nationale appelé U.S. Open Cup.

Bert Patenaude avec la Team USA est au milieu accroupie avec les bras croisés. | Crédit image : Commons.Wikipedia.org

Patenaude une star mondiale

La première Coupe du Monde va voir le jour sur le continent sud-américain. À l’invitation du pays organisateur, l’Uruguay, les États-Unis seront conviés à participer à la première Coupe du Monde. La fédération américaine, l’USFA, décide d’organiser des sélections dans toute la côte-est. Après plusieurs essais, 31 joueurs sont retenus, dont Bert Patenaude, ainsi que son coéquipier Billy Gonsalves. Le jeune attaquant a pu profiter de l’absence de la vedette, Archie Stark, l’artilleur des Bethelem Steel FC n’ayant pas pu participer au voyage. Comme l’explique l’historien Roger Allaway, Stark a préféré se mettre à la recherche d’un nouveau club après la dissolution des Steel, alors qu’il a monté une entreprise de réparation automobile à Kearny dans le New Jersey, rendant impossible un départ pour un autre continent.

À un mois du début du mondial en Uruguay, le paquebot US Munargo quittera le New Jersey à destination de Montevideo. Le 13 juillet 1930, sera le premier jour de compétition à Montevideo, marquant le début de la Coupe du Monde pour les Américains. Ils seront opposés à la Belgique pour l’un des deux matchs d’ouverture. Le Stade Gran Parque Central accueillera plus de 18 000 spectateurs qui verront les Stars and Stripes balayer les Belges 3 à 0. Bert Patenaude avait seulement 20 ans à l’époque, mais cela ne l’empêchera pas d’inscrire son premier but ; profitant du travail du milieu Jim Brown, à la 69ème il inscrira le dernier but de la partie au milieu d’une cage vide.

Le second match face au Paraguay sera identique pour les Américains. La sélection américaine sera organisée en pyramide avec une formation en 2-3-5 – un des premiers schémas tactiques du football. Les États-Unis vont assommer les Paraguayens avec deux buts dans le premier quart d’heure, tous deux signés Bert Patenaude. Le jeune attaquant de Fall River va étaler tout son talent sur la pelouse du Gran Parque Central, où il s’offrira même le luxe d’inscrire le troisième et dernier but de la partie, synonyme pour lui du premier triplé dans l’histoire de la Coupe du Monde. Les États-Unis s’imposèrent 3-0 et filèrent sans encombre vers le dernier carré.

Anecdote

Saviez-vous que Bert Patenaude avait des origines québécoises ? Bien qu’il soit né aux États-Unis, ses parents sont issus de l’immigration québécoise. Son père Léon Patenaude était originaire de Châteauguay, dans le sud-ouest du Québec, alors que sa mère Rosanna Mailloux venait d’Iberville, qui fait maintenant partie de la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu, également dans le sud-ouest de la province canadienne.

Malgré une performance de haut rang face au Paraguay, Patenaude ne sera pas crédité des trois buts, car la FIFA ne considérera pas le troisième but comme étant l’œuvre de l’attaquant. Elle estimera que le troisième but était l’œuvre d’un joueur paraguayen qui aurait marqué contre son camp. Patenaude ne sera pas reconnu de son vivant comme le premier joueur à avoir inscrit le premier triplé de l’histoire d’une Coupe du monde. La FIFA préfèrera donner cette distinction honorifique à l’argentin Stabile qui réalisera le coup du chapeau trois jours après l’américain contre le Mexique. Ce n’est qu’en 2006 que la FIFA reconnaîtra Patenaude comme le premier à avoir réalisé un triplé ; grâce aux témoignages de Jim Brown, Arnie Oliver ou Billy Gonsalves, ses partenaires en sélection, il obtiendra justice aux yeux du monde entier.

La demi-finale du mondial les opposera à l’ogre Argentin, alors que l’Albiceleste venait d’inscrire 10 buts en trois matchs. Le réalisme offensif de l’Argentine était en grande partie dû à son attaquant vedette, Guillermo Stabile, auteur de cinq buts avant de rencontrer les États-Unis. Le match commença au Stade Centanario où plus de 72 000 personnes viendront assister à la déroute des Américains, dépassés par la puissance de feu d’une équipe argentine robuste et impitoyable. Les défenseurs adverses musèleront le jeune attaquant de Fall River, incapables de trouver les espaces nécessaires pour tromper la vigilance de l’arrière garde de l’Albiceleste. L’addition sera lourde au tableau d’affichage, défaits 6-1 par l’Argentine, les Américains sauveront l’honneur par l’intermédiaire de Jim Brown, buteur en toute fin de match.

Un duel aérien pendant le match Etats-Unis-Belgique. | Crédit image : Commons.Wikipedia.org

Le mondial de Bert Patenaude sera une réussite, autant sur le plan personnel que collectif. Il restera à jamais le premier joueur à inscrire un triplé en Coupe du Monde, à seulement 20 ans. Il sera le grand artisan du parcours de son équipe qui ira jusqu’en demi-finale, une performance inédite jusqu’à ce jour pour les États-Unis. Avec quatre réalisations en trois rencontres, il terminera troisième meilleur buteur devant d’autres gâchettes du ballon rond comme Carlos Peucelle ou Preguinho. Bert Patenaude fait partie du onze de rêve du mondial 1930 de Folk Football, seul américain dans ce onze, il prend place aux côtés des autres grands buteurs du tournoi, les Ivica Beck et autre Pedro Cea.

Retour au bercail

La suite de la carrière de Patenaude se poursuivra à Fall River où il remportera une National Challenge Cup après son retour. Il rejoindra les Philadelphia German-Americans pour une saison en 1933, avant de signer pour le Louis Central Breweries, club avec lequel il inscrira 21 buts en 24 rencontres, lui permettant de remporter la National Challenge Cup en 1935, pour la une seconde fois de sa jeune carrière.

Il ne participera pas à la Coupe du monde 1934. Malgré sa réputation qui n’était plus à prouver, il ne s’entendra pas avec son club de l’époque de Kearny, l’empêchant de se joindre à ses coéquipiers en sélection. À l’époque il réclamait à être payé une somme qu’il estimait lui être dûe, mais son club refusa sa requête au titre qu’il ne marquait pas assez de but. En réponse au refus de son club, il boycottera les matchs de son équipe, entraînant sa suspension immédiate par son club. La fédération américaine ne le soutiendra pas puisqu’il sera absent du voyage pour Rome, laissant passer une chance unique de disputer une seconde Coupe du monde. Mais le parcours des États-Unis sera écourté par l’Italie qui ne fera pas dans la dentelle avec une victoire 7-1 sur les Américains en huitième de finale.

En 1936 il trouvera un nouveau club, s’engageant pour le Philadelphia Passon avec lequel il plantera 24 pions en 22 matchs. Ce sera sa dernière pige dans le club de Pennsylvanie, sonnant le glas de sa carrière professionnelle à 32 ans. La suite de sa vie se passera là où tout avait commencé pour lui, à Fall River. Il se reconvertira dans la construction, occupant un poste d’employé dans le bâtiment, il finira ses jours dans le Massachussetts. Malgré l’affront de 1934, son talent et sa performance historique au mondial 1930 seront reconnus par ses pairs. En 1971, l’attaquant vedette des années 1930 sera intronisé au Hall of Fame du soccer américain en 1971, le panthéon des grands noms du soccer au pays de l’Oncle Sam. Cet honneur sera une reconnaissance éternelle pour l’enfant de Fall River qui décédera le 4 novembre 1974, le jour de ses 65 ans. Il est l’un des meilleurs joueurs que les États-Unis aient connu, éblouissant le monde entier à l’âge de 20 ans, la précocité et le talent du garçon resteront dans l’histoire du football, lui qui sera l’une des vedettes du mondial 1930.

Crédit image :

Last Bench/Pinterest.ca (Montage)

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