Mondial 1930 : une orgie offensive

La première édition a été riche en but, avec un jeu porté vers l’attaque. Tous les matchs ont donné lieu à des scores fleuves. Le mondial uruguayen aura vu les attaques traumatiser les défenses. Dès les deux premiers matchs d’ouverture, huit buts ont été inscrits. Les défenses étaient poreuses, cela était notamment dû au fait que le football de l’époque était tourné vers l’avant. Un football où le spectacle offensif primait sur l’art défensif. Retour sur les statistiques de la Coupe du monde 1930.

La plupart des équipes jouaient en 2-3-5, où seulement deux défenseurs devaient empêcher les cinq attaquants adverses de marquer. Chaque match du mondial verra au moins une des deux équipes inscrire au moins un but à chaque match. Les trois matchs les moins prolifiques seront Argentine-France, Chili-France, et Uruguay-Pérou, qu’ils ce finiront tous sur le score de 1-0. Tous les autres matchs verront au moins trois buts être inscrits dans la rencontre, alors que la moyenne de buts du tournoi sera de 3,9 buts par match. Il faudra attendre la deuxième édition en 1934, pour voir le premier match nul de l’histoire entre l’Italie et l’Espagne en quart de finale (1-1). Pour aller plus loin, il faudra même attendre l’édition 1958 pour voir le premier match nul et vierge entre la Suède et le Pays de Galles.

En Europe, il y a la Yougoslavie et les autres …

Trois des quatre équipes européennes seront éliminées dès le premier tour, laissant à la Yougoslavie la lourde tâche de représenter le vieux continent au second tour, une marche bien trop haute pour elle puisqu’elle sera corrigée par l’Uruguay 6-1, après avoir mené pendant 19 minutes. Mais pourtant la France et la Roumanie avaient bien démarré leur tournoi, vainqueur respectivement du Mexique et du Pérou par trois buts d’écart, elles seront éliminées par les deux finalistes, l’Argentine et l’Uruguay.

Les Bleus encaisseront trois buts (un par match), et seront incapables de marquer contre l’Argentine et le Chili. Dans le Groupe 2, la Yougoslavie fera figure d’exemple avec deux victoires, six buts inscrits pour seulement un but encaissé, un bien beau bilan au premier tour qui sera mis à mal au second face à l’Uruguay. Dans le Groupe 3, les Tricolorii – surnom de la Roumanie – seront impuissants face à l’armada de La Celeste (défaite 4-0), finissant avec cinq buts dans les valises en deux matchs. Alors que le dernier représentant européen venu du plat pays ne fera tout simplement pas le poids face à plus fort que lui. La Belgique sera impuissante face aux États-Unis (3-0), et au Paraguay (1-0). Elle partagera le triste record avec la Bolivie d’être les deux seules équipes à finir le tournoi sans inscrire le moindre but.

Pérou-Roumanie en poule. | Crédit image : Commons.Wikipedia.org

Sur les 18 matchs, quatre d’entre eux atteindront ou dépasseront la barre des six buts marqués, dont trois d’entre eux verront l’équipe gagnante inscrire six buts dans la partie. Ce fut le cas en poule avec Argentine-Mexique (6-3), et en demi-finale avec Argentine-États-Unis (6-1) et Uruguay-Yougoslavie (6-1). À titre de comparaison, la dernière édition en Russie verra cinq matchs où six buts ou plus seront inscrits dans les 90 minutes de jeu, mais sur un total beaucoup plus élevé de 64 rencontres.

Lire aussi : Finale 1930 : une première historique

Les deux meilleures attaques du tournoi seront les deux mastodontes latino-américains, soit l’Argentine et l’Uruguay. L’Abiceleste finira meilleure attaque du tournoi avec 18 inscrits, dont 8 d’entre eux qui seront inscrits par le seul Guillermo Stábile. En face La Celeste aura l’attaque la plus prolifique avec une moyenne de 3,8 buts par match, pour 15 buts inscrits en seulement 4 matchs, dont le tiers marqué par son attaquant Pedro Cea. De l’autre côté du terrain le débat ne sera pas aussi équilibré. L’Uruguay finira avec la meilleure défense avec trois buts encaissés, soit moins d’un but par match. Elle s’offrira même le luxe de finir le premier tour sans prendre le moindre but, une performance défensive de haut rang qu’elle partagera avec les États-Unis. Mais ça ne sera pas la même histoire pour l’Argentine, puisque sa défense prendra neuf pions, dont quatre en finale face à La Celeste.

Des buteurs en pagaille

Cette première édition sera marquée par un nombre important de buteurs, avec 36 joueurs qui inscriront leurs noms au tableau d’affichage, dont sept Argentins, six Uruguayens, et entre autres, quatre Yougoslaves et quatre Américains. Le premier buteur est français, l’attaquant Lucien Laurent marquera à la 19e minute contre le Mexique, devançant de quelques minutes son homologue américain, Bart McGhee. Au cours de ce mondial, trois joueurs inscriront un triplé, le premier étant Bert Patenaude contre le Paraguay, le second Guillermo Stábile contre le Mexique, et le dernier n’est autre que Pedro Cea qui rejoindra les livres d’histoire en inscrivant trois buts contre la Yougoslavie. Le plus rapide des trois sera Patenaude qui écrira l’histoire en tout juste 50 minutes de jeu, malgré les controverses qui entourèrent son triplé. En effet, la FIFA ne le lui attribuera son exploit qu’en 2006, grâce aux travaux de plusieurs historiens qui s’appuieront sur les témoignages de ses coéquipiers présents sur la pelouse ce jour-là.

Des attaques de plus en plus prolifiques

Lors de la première édition, 70 buts auront été inscrits en Uruguay. Mais au regard des éditions suivantes, cette première édition ne sera pas la plus prolifique en nombre de but. Les spectateurs de l’édition 1938 en France auront la chance de voir 84 buts en 18 matchs, soit une moyenne de 4,7 buts par match, bien aidé par le Brésil-Pologne en huitième, où pas moins de onze buts seront inscrits dans le match (6-5 a.p. pour le Brésil). L’édition brésilienne de 1950 verra 88 buts marqués en 22 matchs, alors que la suivante en Suisse battra tous les records. La barre des 100 buts sera dépassée pour la première fois, avec 140 buts et une moyenne impressionnante de 5,4 buts par match, merci à la Hongrie de Ferenc Puskás qui en colla neuf à la Corée du Sud et huit à l’Allemagne de l’Ouest.

Une révolution du jeu

Il y a eu une évolution de la tactique qui amènera les défenses à être de plus en plus fournies. Après le schéma en 2-3-5 appelé “Pyramide”, les années 1930 verront la démocratisation du schéma appelé “WM” où la ligne arrière a vu l’arrivée d’un troisième défenseur au centre qui viendra renforcer le verrou défensif. Cette dernière sera utilisée par la Hongrie de Gusztáv Sebes, finaliste du mondial 1954. Les années 1950 verront quant à elles la mise en place du 4-2-4, où un quatrième défenseur viendra se rajouter à la défense, cette tactique sera quant à elle utilisée avec brio par le Brésil de Pelé dès la Coupe du monde 1958. Alors que le catenaccio se démocratisera sous la houlette de l’entraîneur Helenio Herrera à l’Inter Milan. Cette dernière tactique propose un schéma encore plus défensif, avec un cinquième défenseur faisant office de libéro qui protège sa défense. Aujourd’hui les schémas classiques se tournent vers l’utilisation de quatre défenseurs comme avec le 4-4-2, 4-3-3 ou 4-2-3-1.

Cette évolution tactique aura pour effet de faire baisser la moyenne de buts en Coupe du monde. Malgré l’augmentation du nombre de buts marqués, qui va de pair avec la multiplication du nombre de matchs – 17 en 1934 vs 64 en 2014 -, un chiffre reflète cette baisse du nombre de buts marqués par match. Depuis le mondial mexicain de 1970, la moyenne de buts par match en Coupe du monde n’atteindra plus la barre des 3 buts par match, la dernière édition en 2018 ne verra que 2,6 buts inscrits par rencontre, descendant à son plus bas à 2,2 buts par match à l’occasion de l’édition 1990.

Lire aussi : José Andrade la première star du ballon rond

Le premier mondial en Uruguay aura livré un spectacle à la mesure de l’événement. Le succès populaire de cette édition 1930 propulsera la compétition sportive vers les sommets que l’on connaît de nos jours. L’évolution tactique et la multiplication du nombre de matchs produiront une baisse du nombre de buts par match, donnant lieu à des matchs nuls, où le pragmatisme du résultat fini par primer sur le spectacle offensif. Que l’on aime ou que l’on n’aime pas, le football a connu une évolution éclair de son jeu, où de nombreux paramètres se sont rajoutés à l’équation. Mais comparer le football de 1930 à celui d’aujourd’hui est périlleux, car les contextes des deux époques sont tout simplement incomparables.

Crédit image :

Commons.Wikipedia.org

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.