Espagne 1962 : Défaite et désillusion (2/3)

Le Mondial 1962 est connu pour la violence du match entre l’Italie et le Chili, ou la blessure de Pelé au premier tour. Mais il aura aussi vu une flopée de stars se donner rendez-vous en Amérique du Sud. Outre les Pelé, Garrincha, les ballons d’or Lev Yashin et Josef Masopust, l’Espagne comptait d’incroyables joueurs dans son effectif. Reversée dans le groupe de la mort, la Roja va vivre une élimination prématurée qui passera mal dans la péninsule ibérique. Focus sur une élimination entachée de blessures et de polémiques.

Les futurs champions du monde brésiliens auront vécu un Mondial pour le moins compliqué. Privé du Roi Pelé dès le deuxième match, blessé après un tacle assassin d’un défenseur tchécoslovaque, le Brésil va franchir tous les obstacles pour obtenir une seconde couronne mondiale. Dans le même groupe que le Brésil et la Tchécoslovaquie, tous deux finalistes en 1962, l’Espagne va se faire sortir après un tournoi très mitigé. Sans un Alfredo Di Stéfano, présent mais blessé à la colonne vertébrale, la Roja va développer un jeu brouillon, insuffisant pour se défaire de ses adversaires. Pourtant tous les voyants étaient au vert, ou presque. Sous la houlette d’un duo de sélectionneurs cinq étoiles, les Espagnols vont tomber de haut dès le premier match.

Avec Helenio Herrera et Pablo Hernández Coronado, le banc de la Roja pouvait rêver en grand. Le premier était une légende du coaching, emmenant l’Inter Milan deux fois sur le toit de l’Europe, et participant grandement à l’avènement du catenaccio, une tactique défensive qui va révolutionner le football mondial. Quant au second, c’était une grande figure du football espagnol : ancien entraîneur et gardien de but du Real Madrid. Les deux hommes nommés en avril 1962, arrivés en remplacement de Pedro Escartín, étaient confiants sur les chances de l’Espagne à la Coupe du monde.

« Je suis convaincu que l’Espagne jouera un grand rôle au championnat du monde chilien. Il y a des joueurs splendides, comme Di Stéfano, Gento et Santamaría, mes favoris. Au Chili, vous verrez ce que l’Espagne est capable de faire. »

Helenio Herrera le jour de sa nomination au poste de sélectionneur. (Source : Revistauncanio )

Mais malgré l’assurance du coach argentin, l’Espagne ne va pas réussir à faire la différence face à la Tchécoslovaquie. Pourtant la Roja pouvait compter sur le grand défenseur du Real Madrid, José Santamaria, et un trio offensif incroyable, composé de Luis Suarez, Ballon d’Or en 1960, Ferenc Puskás, finaliste du Mondial 1954 avec la Hongrie, et Paco Gento, flamboyant ailier de 28 ans du Real Madrid. La rencontre va voir l’Espagne se procurer un nombre élevé d’occasions, bien aidée par la vitesse hallucinante de Gento. Mais un Puskás vieillissant (35 ans) et un Suarez trop discret, vont manquer de lucidité dans le dernier geste. En face, la Tchécoslovaquie va proposer une opposition rude, solide en défense, les attaquants tchécoslovaques vont exploiter le peu d’occasion pour sanctionner la Roja. Plusieurs joueurs espagnols vont être contraints de quitter la sélection après le premier match, la faute à des blessures en cascades (Reija, Rivilla et Segarra). Dominante mais imprécise, l’Espagne va devoir concéder la défaite. Une mauvaise passe en retrait à la 80e minute de Reija va offrir le seul et unique but du match à Jozef Štibrányi. Frustrés, les Espagnols vont enchaîner les fautes, lâchant de précieux points d’entrée.

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Le deuxième match contre le Mexique sera tout aussi brouillon pour la Roja. Malgré six changements dans le onze, la Roja va chercher sa première victoire, grâce à un but décisif de Joquin Peiro à la toute dernière minute du match, après un rush magnifique de Gento. Le dernier match contre le Brésil est d’une importance capitale pour l’Espagne. La victoire ou rien, sinon c’est un retour en Europe qui attend la Roja. Un scénario identique pour le Brésil, qui doit s’imposer sans Pelé pour rejoindre le second tour.

Très vite l’Espagne va s’installer dans le camp brésilien. Déterminée à décrocher un billet pour les quarts de finale, la Roja va ouvrir le score d’une bien belle manière. Le buteur de l’Atletico Madrid, Adelardo, va être à la conclusion d’un une-deux avec Puskás. Après 35 minutes de jeu, la Roja prend les devants dans ce match décisif. Confiants les Espagnols vont pousser pour faire plier la Seleçao, mais une erreur d’arbitrage va venir stopper l’élan espagnol. En seconde période la Roja insiste et provoque la défense brésilienne. Sur son côté droit, Enrique Collar va déposer d’un coup de rein Nílton Santos à l’entrée de la surface. Pris de court, Santos commet la faute et le Brésil tremble. Mais malgré une faute dans la surface de réparation, et un penalty évident pour l’Espagne, l’arbitre chilien va annoncer un coup-franc. Les Espagnols sont furieux, les Brésiliens peuvent souffler un instant.

« Lorsque l’Espagne gagnait 1-0, j’ai stoppé une contre-attaque en faisant faute. Immédiatement, j’ai fait un pas en avant et j’ai levé les bras. Le juge était loin et a appelé un coup franc. Si l’Espagne avait marqué le deuxième but, nous aurions été battus. »

Nílton Santos revient sur une erreur d’arbitrage qui a coûté un penalty à la Roja. (Source : El Universo)

Puskás se charge du coup de pied arrêté, il envoie un centre millimétré au point de penalty, la défense repousse avec difficulté, mais Pachin tente un geste fou pour tromper le gardien brésilien. Il s’envole dans les airs et fait une retournée acrobatique merveilleuse qui rentre au fond des filets. Mais l’arbitre siffle une faute de Pachin après un duel aérien, là encore l’arbitre prend une décision très contestable. L’Espagne croyait tenir la balle du break à deux reprises, mais le sifflet de l’arbitre en a décidé autrement. Le Brésil va alors se remettre à réciter son football, Zagallo et Garrincha sur les ailes, vont faire sauter le verrou de la Roja. C’est le premier qui s’illustre en adressant un centre parfait à destination de Amarildo, remplaçant de Pelé, qui s’offre là son premier but en Coupe du monde à la 72e minute. Fébrile, l’Espagne va céder mentalement. Désorganisée sous la pression des Brésiliens, la défense de la Roja va de nouveau se trouer sur les côtés. La menace viendra cette fois-ci de l’infatigable magicien aux jambes courbées, Garrincha. Le meilleur joueur de ce Mondial va déposer son défenseur sur le côté droit pour trouver la tête de Amarildo à la 86e. Le Brésil prend l’avantage grâce à un héros inattendu et se qualifie pour le second tour. L’Espagne s’incline encore une fois sur le fil, et laisse filer sa chance de disputer un quart de finale. La déception est immense pour Helenio Herrera qui n’aura pas su trouver la solution pour faire fonctionner le collectif espagnol.

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L’Espagne quitte le Chili avec un sentiment d’inachevé, privée de sa star Di Stéfano pendant toute la compétition, elle n’aura pas su déjouer les plans de la Tchécoslovaquie et du Brésil. Le retour au pays sera difficile pour les joueurs. Critiqués par la presse, les choix du duo Herrera-Hernandez seront fortement remis en question par les supporters et les médias, cherchant à trouver un coupable au cuisant échec de la Roja. Cette Coupe du monde marquera le glas d’une génération de joueurs légendaires (Puskás, Di Stéfano, Santamaría,…), mais elle servira aussi d’électrochoc à la fédération qui fera le ménage. Deux ans plus tard, l’Espagne se hissera sur le toit de l’Europe en remportant le championnat d’Europe, sous les applaudissements du général Franco.

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Colgadosporelfutbol.com

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